Sous ce titre un brin provocateur et à peine exagéré, nous souhaitons apporter un éclairage aux débats en cours sur le projet de loi travail, et en particulier son fameux article 2, rejeté par les uns au prétexte qu’il mettrait fin à la hiérarchie des normes, et souhaité par d’autres (dont la Cfdt) qui y voient une façon d’encourager le dialogue et la négociation, au plus près des besoins des entreprises et des salariés.
Le débat est aussi complexe que passionnant, aussi nous semble t’il intéressant de l’illustrer par un cas « d’école » proche de nous : le recours aux forfaits jours chez euro engineering.
En effet, l’accord de branche Syntec qui encadre le forfait jour à la particularité de comporter un certain nombre de clauses non impératives, qui peuvent (ou pas) être reprises dans les accords d’entreprise. Ainsi, si les dispositions en matière de santé sont toutes obligatoires, il n’en est pas de même concernant les salaires minima des cadres au forfait jour.
L’accord de branche Syntec sur le forfait jour permet donc depuis des années de mettre en place ce que loi travail, dans sa version actuelle, nous promet pour demain.
Et notre société a eu à 2 reprises l’occasion d’user de ces dispositions.
L’accord de 2010 : l’exemple à ne pas suivre
Fin 2010, le Délégué Syndical Cfdt de l’époque signait un accord entrainant le passage de l’intégralité des cadres au forfait jour, sans aucune compensation salariale ni véritable contrepartie, hormis le bénéfice de jours de repos équivalents à des RTT.
Disons le tout net, c’était surement excessif et c’est justement ce genre d’accord que craignent les opposants à l’article 2 de la loi travail.
Rassurons aussi les salariés : ce qui était possible à l’époque dans une section Cfdt embryonnaire ne l’est plus aujourd’hui, avec des organisations syndicales plus matures.
L’accord de 2015 : un meilleur compromis
En 2015, il a été nécessaire de revoir notre accord temps de travail pour tenir compte de jurisprudences récentes relatives au forfait jour. Nous avions alors exigés que :
- le forfait jour soit strictement réservé aux seuls cadres « à responsabilités »
- les minima salariaux à 120 % définis dans l’accord de branche soient appliqués
Cependant, l’accord de branche prévoit une disposition qui en pratique bloque l’accès des cadres classés 2.3 au forfait jour : ces salariés devraient être payés à hauteur de 2 fois le PMSS, soit davantage que les cadres des positions 3.1 et 3.2! S’agissant de chef de projets, de responsables d’activité ou de BE, il semblait pourtant légitime que ces salariés accèdent au forfait jour. Nous avons donc accepté ne pas reprendre cette disposition, et de simplement les traiter comme les cadres des coefficients 3, comme le montre le tableau ci-dessous:
Salaire minimal annuel | ||
Position | Accord de branche Syntec | Accord euro engineering 2015 |
2.3 | 43 653 € | |
3.1 | 49 278 € | |
3.2 | 60 873 € | |
3.3 | 78 265 € |
Cela leur a permis de bénéficier d’une part d’une rémunération minimale fixée à 120% du minima 35h, mais aussi de l’ensemble des dispositifs visant à préserver leur santé et contrôler leur charge de travail.
Nous avons aussi obtenu la réalisation d’une enquête anonyme annuelle (non prévue dans l’accord de branche) pour permettre à chacun des cadres concernés par le forfait jour de s’exprimer librement sur sa charge et ses conditions de travail.
Pour plus de détails, n’hésitez pas à consulter notre article de l’époque.
Pour en revenir à la loi travail
On l’a vu à travers ces deux exemples, donner davantage de souplesse à la négociation au niveau de l’entreprise peut donner des accords intelligents, et d’autres plus discutables.
Nous ne prétendons donc pas trancher le débat, et encore moins à partir de notre unique exemple.
Mais simplement montrer qu’avec des partenaires sociaux matures (ce qui est l’ambition de la Cfdt pour chaque entreprise), ce genre de disposition peut permettre de signer des accords adaptés au quotidien des salariés.
Il est donc dommage qu’avant que le gouvernement n’envisage d’étendre le recours à ce type d’accord, il n’est pas commencé par tirer un bilan des dispositions similaires déjà en vigueur.
3 réponses
L'accord d'entreprise ne doit pas être plus défavorable que l'accord de branche (vis-à-vis du salarié bien sûr).
Ensuite, j'espère que vous n'ignorez pas que la convention Syntec ne fait pas partie des plus favorables aux salariés… et pourquoi à votre avis ?
Arrêtez de nous faire croire que vous avez obtenus des choses probantes (ou que vous en atteindrez quand vous serez "matures")…
Les syndicats ne sont pas présents dans toutes les entreprises, ce cas particulier peut être démonté par des contre exemples comme le cas de l'usine Smart en Moselle (http://www.monde-diplomatique.fr/2016/04/BEROUD/55188) où l'on voit bien vers cela va mener, du chantage à l'emploi. La philosophie du texte c'est la négation de la relation de subordination dans l'entreprise, c'est une tromperie énorme. Merci de ne pas censure mon message.
"L'inversion de la hierarchie des normes dans deux ans va toucher l'ensemble du code du travail ouvrant la porte a un véritable dumping social"
J-C MAILLY sur BFM il y a 15 jours…
Nous, à FO, en toute liberté et indépendance, c’est le contenu du texte qui nous importe et
ses répercussions sur les droits, la situation et la vie des salariés d’aujourd’hui et de demain.
C’est pourquoi nous combattons ce projet.