Avec un peu de retard, nous allons nous aussi apporter notre contribution à la journée de la femme (le 8 mars), sur l’angle des violences sexistes au travail.
En effet, les suites de l’affaire Weinstein ont montré à quel point le sexisme est ancré dans notre société, et qu’il reste encore beaucoup d’effort à faire pour l’en déloger.
Cet article sera donc un peu plus cru que d’habitude, et va illustrer par des faits et propos concrets deux décisions de justice récentes, qui devraient inciter les femmes à briser la loi du silence.
Des propos à connotation sexuelle entrainent un licenciement
Des propos à connotation ouvertement sexuelle sont de nature à
caractériser un harcèlement sexuel et justifient au minimum un
licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 15 nov. 2017, n° 16-19.036).
Dans cette affaire, un chef de poste tient des propos à connotation
ouvertement sexuelle lors d’une conversation téléphonique avec une jeune intérimaire :
« Comment
tu fais pour tes relations sexuelles ? Tu prends tes doigts ? »
Le salarié est licencié pour faute. Il conteste son licenciement. Il
met en avant ses 25 années d’ancienneté, ayant données satisfaction
selon son dernier entretien d’évaluation.
Le salarié estime que la sanction de licenciement est
disproportionnée. Les juges de la cour d’appel sont sensibles à cet
argument. Ils déclarent le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ils estiment que l’employeur avait parfaitement le droit d’user de son
pouvoir disciplinaire pour protéger la victime qui s’était plainte de
ces propos. Mais ils auraient préféré une sanction moins élevée, comme
une mise à pied.
La Cour de cassation n’est pas d’accord. Les propos tenus envers la
jeune intérimaire étaient de nature à caractériser un harcèlement
sexuel, constitutif à tout le moins d’une cause réelle et sérieuse de
licenciement. Le licenciement pour faute du salarié est donc validé.
Remarque : l’auteur du harcèlement s’expose à un licenciement pour
faute grave (Cass. soc., 14 sept. 2016, n° 15-14.630) avec un départ
quasi immédiat. Compte tenu de l’obligation de sécurité qui pèse sur
l’employeur, il prendrait un risque à se contenter d’une mise à pied,
d’une rétrogradation ou d’une mutation.
Un fait unique peut suffire à caractériser le harcèlement sexuel
de dommages-intérêts pour manquement de l’association à son obligation
de sécurité, la Cour d’appel de Metz a retenu que le seul fait établi à
l’encontre de l’employeur est isolé, qu’il ne peut « constituer un harcèlement qui suppose la répétition d’agissements » ni un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur.
ainsi, alors qu’un fait unique peut suffire à caractériser le
harcèlement sexuel et qu’elle avait constaté que l’employeur avait « conseillé » à la salariée qui se plaignait de coups de soleil de « dormir avec lui dans sa chambre », « ce qui lui permettrait de lui faire du bien »,
ce dont il résultait que la salariée établissait un fait qui permettait
de présumer l’existence d’un harcèlement sexuel, la Cour d’appel de
Metz a violé les articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du code du travail (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 mai 2017, 15-19.300).
Pour en savoir plus
La Cfdt met à disposition un guide complet sur le sujet, que vous pouvez télécharger ici:
Pour conclure
Que vous soyez victime ou témoin de comportements graves, ou même simplement gênants, si vous n’êtes pas sur de la qualification exacte de tel ou tel comportement, parlez-en à votre entourage, aux représentants du personnel ou au service RH.
Le harcèlement, la grossièreté, le sexisme n’ont pas leur place dans l’entreprise.
Les commentaires sont comme à l’accoutumée ouverts à vos éventuels témoignages ou réactions sur le sujet.
2 réponses
nous vivons une époque dangereuse.
il faut veiller à prévenir toute violence/harcèlement caractérisée (qu'elle soit sexuelle ou non).
mais focaliser excessivement sur des mots hors contexte conduit à des dérives. je ne dis pas que les exemples cités n'étaient pas des violences caractérisées méritant un licenciement… (il faudrait connaitre le contexte et le dossier).
par certains cotés nous entrons dans une société du totalitarisme de la bien pensance et du politiquement correct.
aujourd'hui certaines personnes devenue excessivement prudes de par l'orientation de la société prennent de simples grivoiseries au café pour des comportements inadmissibles, et dénoncent à la direction, qui est dans la même logique, et qui sanctionne sévèrement l'imprudent (pour rien donc…).
nous en avons d'ailleurs un exemple (que tu connais Vincent…)
je rigole qd je lis la grossièreté n'a pas sa place dans l'entreprise…
à coté de ça il y a des pressions (pas sexuelles la plupart du temps) sur des salariés (hommes et femmes) tous les jours, et régulièrement il y a qui se font jeter… mais apparemment ça c'est rentré dans les moeurs, c'est presque normal…
certains (une minorité) focalisent sur un combat hommes/femmes pour créer une lutte horizontale et stérile, qui permet de mettre le vrai combat au second plan: exploitants/exploités
tandis qu'une majorité plonge dans le piège aveuglément.
Les femmes vivent depuis (trop)longtemps une époque dangereuse.Opposer le combat syndical à celui des droits (et du respect) des femmes comme cela apparaît dans ces propos est inquiétant. En quoi combattre le racisme irait-il à l'encontre du combat pour les salarié.es ? Le sexisme, cet autre racisme…est aussi un vrai combat non secondaire, non opposable au combat salarial. Ce mépris affiché à l'encontre de la lutte contre les violences faites aux femmes est une autre violence et un déni indigne.
Une syndicaliste engagée et féministe (comme certains hommes, qu'on espère de plus en plus nombreux)